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Du système bancaire aux marchés financiers

I) Rappel des différents systèmes de financement de l'économie

Le financement est l'ensemble des moyens utilisés par un agent économique pour obtenir les capitaux nécessaires au développement de son activité et de ses investissements.

Cette définition laisse comprendre que des agents économiques ont des capacités de financement c'est-à-dire des capitaux excédentaires et que d'autres agents ont des besoins de financement c'est-à-dire la nécessité de se procurer des capitaux. Synthétiquement les ménages sont considérés comme les pourvoyeurs de capitaux qui représentent leur épargne et les entreprises, l'Etat ou les administrations comme les agents recherchant des capitaux.

L'objectif d'un système de financement est d'être le plus efficace possible (rapidité, simplicité, coûts minimums) dans l'ajustement des capitaux d'un agent à un autre. Le circuit du financement de l'économie est assez simple et on y distingue trois principaux circuits :

  • le financement interne ; il s'agit de l'autofinancement, souvent des entreprises qui financent leur développement avec leurs fonds propres (leurs bénéfices).
  • le financement externe direct ; les agents à capacités et à besoin de financements sont directement mis en relation sur un marché des capitaux.
  • le financement externe indirect ; l'intervention d'intermédiaires financiers comme les banques qui collectent les fonds disponibles et les redistribuent aux agents en ayant besoin.

Remarque : le financement de l'économie peut également se faire grâce à la création monétaire. Ce mécanisme est différent car n'inclut pas d'agents à capacités de financement.

II) Le système financier français avant les mutations des années 1980

L'origine de ce système basé sur le financement externe indirect remonte à la seconde guerre mondiale : la loi du 02 décembre 1945 établit la spécialisation bancaire mais elle est une entrave à la concurrence et réduit les capacités de financement. Il s'ensuit fort logiquement les réformes Debré, effectuées entre 1966 et 1969, qui permettent une refonte en profondeur de l'appareil bancaire et intensifient l'activité bancaire.

Le nombre de guichets est démultiplié dans le but d'accroître les dépôts qui constituent les capacités de financement et les ressources des banques. Les banques accordent ensuite des crédits aux entreprises, c'est ainsi qu'elles jouent le rôle d'intermédiaires entre les agents économiques ; on parle d'intermédiation financière. Les taux d'intérêts résultaient du cloisonnement des marchés du fait de la puissance des banques, constituant un oligopole bancaire, celles-ci régulant le taux d'intérêt en opérant une sélection des investisseurs en fonction du risque du projet. Les banques sont encouragées à financer plus que ce que l'épargne collectée le permet en utilisant la création monétaire. Dans ce système l'Etat joue également un rôle primordial ne serait-ce que par le fait que les banques soient nationalisées. Il encadrait le crédit, le volume des crédits pouvant être distribué chaque année étant déterminé, il fixait le coût de refinancement et favorisait certaines banques (le secteur bancaire mutualiste et coopératif) en leur accordant moins d'impôts ou plus de possibilités notamment la permission de distribution de crédits à taux bonifiés en fonction de secteurs jugés prioritaires.

Ces années d'avant mutation sont donc caractérisées par une amplification du système de financement externe indirect de l'économie caractérisé par l'expansion du rôle d'intermédiaire des banques assurant 80% des financements externes et qui minimisent les risques, en vue d'une meilleure efficacité du système qui répond au nom d'économie d'endettement.

III) Le système financier français actuel

Suite aux mutations survenues au milieu des années 1980, le circuit du financement de l'économie a beaucoup évolué.

D'après les données de 1991-1992, on peut voir que les entreprises françaises se financent à 66% par l'autofinancement, à 23.1% par des actions sur les marchés financiers, à 18.7% par le crédit bancaire et à 0.5% par les obligations. Ce qu'il faut retenir de ces chiffres est une diversification dans la structure du financement et aussi la part importante (qui l'est encore plus actuellement) issue des marchés financiers.

Les entreprises utilisent de plus en plus le marché des actions pour se financer et de moins en moins le crédit. La capitalisation boursière est de 586 milliards en 1996 contre 35 milliards en 1975 ; elle a été multipliée par 7.5 de 1984 à 1996 et représente presque la moitié du PIB français. A eux seuls ces chiffres montrent l'ampleur des marchés financiers au sein du financement des entreprises. Le secteur bancaire n'est pas délaissé pour autant, même si la part des établissements de crédits dans le financement des entreprises est passée de 67% en 1984 à 23% en 1995, mais son rôle a évolué en faveur d'une plus grande intervention sur les marchés financiers correspondant mieux aux attentes du moment. La diversification des outils financiers permet une grande fluidité du financement et des capacités importantes de celui-ci.

La part de l'autofinancement est évidemment prépondérante et croît constamment : en 1997, le taux d'autofinancement des entreprises en France était de 118% ! Le financement de la dette de l'Etat se fait également sur les marchés financiers par l'émission d'obligations.

Actuellement, la structure du financement de l'économie est diversifiée mais tend à rendre les marchés financiers de plus en plus importants. L'évolution récente des années 1980 permet de mieux cerner la situation actuelle de l'économie et de mieux comprendre l'intérêt croissant des agents économiques en faveur des marchés financiers.

IV) L'évolution du système de financement de l'économie

A) les imperfections du système bancaire

La crise mondiale de l'économie, qui s'étale sur les années 1970, a vu apparaître un nouveau contexte économique qui montre les limites du système bancaire ; la désinflation comporte des effets bénéfiques primordiaux, notamment dans les échanges internationaux, or la création de la monnaie par anticipation d'une épargne future, afin d'augmenter les capacités de financement, crée de l'inflation dont bénéficient les banques. Le développement du commerce extérieur implique des meilleures conditions de concurrence freinées par l'oligopole bancaire et les prêts bonifiés accordés par l'Etat aux secteurs prioritaires et nécessite des besoins de financement croissants pour les entreprises, limités par l'encadrement du crédit dans la lutte contre l'inflation et la sélection des projets opérés par les banques. Les besoins de financement de l'Etat sont également en pleine expansion du fait des déficits publics importants. Le cloisonnement du système financier montre les limites de sa modernisation car ne permet pas de s'adapter à la désinflation (compétitive) qui est un facteur important dans la croissance des échanges internationaux et empêche la multiplication considérable des besoins de financement des entreprises et de l'Etat, ce qui caractérise une situation non-optimale du financement de l'économie.

Les déséquilibres du système économique international affaiblissent également les banques, surtout la crise de l'endettement, face aux risques d'insolvabilité.

B) les changements intervenus

Pour palier aux faiblesses du circuit de financement, un vaste mouvement d'innovations financières va se mettre en place dans les années 1980. La libéralisation financière se caractérise essentiellement par une déréglementation du secteur bancaire, mais aussi par le décloisonnement et la désintermédiation.

L'homogénéisation du système financier par la loi du 24 janvier 1984 vise à universaliser les établissements de crédit afin d'abolir les privilèges particuliers et de renforcer la compétition entre banques, provoquant le développement d'opérations plus risquées sous l'impulsion de la concurrence.

La déréglementation se manifeste par de nouvelles formes de collectes des ressources (les CODEVI et les livrets d'épargne populaire) ainsi que par le développement d'une finance directe de court terme engendrée par les innovations sur le marché monétaire de 1985 : les certificats de dépôts négociables, les bons du Trésor et les bons de trésorerie, afin de donner un accès direct aux entreprises au marché monétaire. Ces réformes génèrent l'unification des marchés financiers de court et moyen termes et abaissent les coûts d'intermédiation.

Le décloisonnement est caractérisé par la banalisation des circuits de financement sur les produits (titres, options, obligations…), les échéances (court ou long terme) et l'organisation, ainsi que par la concurrence des places financières facilitant les transferts de capitaux.

La désintermédiation est défini par la diminution d'interventions d'acteurs financiers entre les agents à capacité de financement et ceux à besoin de financement, ce qui implique une baisse des coûts d'intermédiation et une réduction de la part du crédit dans le financement. Elle favorise aussi l'augmentation de la titrisation qui consiste à faciliter les contacts directs entre les agents.

Le développement des marchés financiers permet une meilleure adaptation aux évolutions économiques apparues dans les années 1970 (lutte contre l'inflation, financement des déficits publics et développement du commerce extérieur). Ils ont été adoptés en vue d'une plus grande efficacité du financement de l'économie et ont acquis une place essentielle au sein de l'économie actuelle.

Après avoir vu l'évolution du système de financement français jusqu'à l'adoption des marchés financiers qui ont aujourd'hui un poids extrêmement important dans l'économie, nous allons donc nous intéresser à leur organisation.

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